Des méthaniseurs dans un champs
31/03/2023
Recherche
4 min

Nématodes parasites de végétaux :  de nouvelles solutions pour gérer les déchets

Les nématodes sont des vers parasites dont certaines espèces causent des pertes importantes dans les cultures. Pour éviter leur diffusion, il est important de désinfecter les déchets organiques - végétaux, terre et boue - et l’eau qui ont été en contact avec ces parasites avant de les rejeter ou de les réutiliser. Des scientifiques du laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses ont évalué l’efficacité de méthodes de désinfection qui permettraient de valoriser et réutiliser ces déchets dans le cadre de l’économie circulaire.

Les nématodes à kyste de la pomme de terre, Globodera pallida et Globodera rostochiensis, sont responsables de la perte d’environ 9 % de la production mondiale de pomme de terre. Ces parasites, contre lesquels la lutte est obligatoire, sont très difficiles à éliminer : les œufs protégés dans des kystes peuvent survivre plusieurs années dans le sol. La contamination d’une parcelle oblige à attendre que les larves ne soient plus viables avant de pouvoir à nouveau planter de la pomme de terre.

Les déchets végétaux, la terre, les boues ou l’eau ayant été en contact avec ces vers peuvent les propager. De ce fait, ils doivent être efficacement désinfectés avant d’être rejetés. Cette obligation concerne principalement l’industrie agroalimentaire, qui doit éliminer les végétaux jugés impropres à la consommation, les déchets terreux et les eaux de lavage, ainsi que les laboratoires qui étudient ou sont en charge de la détection de ces nématodes.  

Moins d’impact pour l’environnement

Dans le cadre d’un projet de recherche, les scientifiques de l’unité Nématologie du laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses, en collaboration avec la fédération nationale des producteurs de plants de pomme de terre (FN3PT), ont mené des expérimentations pour tester l’efficacité de différentes méthodes de désinfection d’eau de lavage et de déchets contaminés par ces organismes. Le but était de trouver des procédés alternatifs à ceux utilisées habituellement, car certains ne sont pas entièrement efficaces ou peuvent présenter un impact environnemental. Les résultats de leurs travaux sont parus dans la revue scientifique Journal of Environmental Management en décembre dernier.

Leurs expérimentations ont par exemple montré que le traitement thermique pourrait se faire en dessous des 80°C utilisés habituellement pour ces organismes, à condition d’appliquer des durées plus longues. Un traitement à 60°c pendant trois minutes ou à 50°C pendant une demi-heure permettent de tuer les nématodes tout en nécessitant moins d’énergie. L’efficacité de cette méthode a non seulement été testée avec succès sur le genre Globodera, mais aussi sur deux autres espèces de nématodes parasites de végétaux, les nématodes à galles Meloidogyne chitwoodi et Meloidogyne fallax.

Traiter efficacement les déchets tout en les valorisant via l’économie circulaire

Les scientifiques ont par ailleurs expérimenté des procédés de valorisation de la matière organique pouvant être utilisés dans le cadre de l’économie circulaire : le compostage, la méthanisation et le lagunage. Leur efficacité pour éliminer les nématodes à kyste avait jusque-là été très peu évaluée. « Le compostage et la méthanisation sont très efficaces pour tuer ces nématodes dans toutes les conditions que nous avons testées, indiquent les auteurs de l’étude. Ce résultat est très intéressant car les industriels de l’agroalimentaire peuvent être obligés d’éliminer toute une récolte lorsqu’une infection par un nématode est détectée dans un lot commercial. Ces alternatives permettraient ainsi de valoriser ces végétaux infectés. »

En revanche, l’épuration des eaux en bassin de lagunage produit des résultats très variables. L’élimination des nématodes semble très dépendante des facteurs climatiques, ce qui n’en fait pas une méthode fiable pour éliminer les parasites dans les conditions testées.

Les auteurs de l’étude précisent qu’avant d’adopter une des méthodes de traitement testées, les laboratoires ou les industriels intéressés devront s’assurer que les nématodes et les autres agents infectieux sont effectivement éliminés dans leurs conditions de travail : « Ces méthodes ont fonctionné dans notre laboratoire et sur les sites expérimentaux. Cependant, nous ne pouvons pas garantir leur efficacité quelles que soient les conditions », expliquent-ils. « Par ailleurs, nous avons étudié leurs effets sur certaines espèces de nématodes et nos résultats ne sont pas généralisables à l’ensemble des pathogènes des plantes. » Il s’agit néanmoins d’une première démonstration de l’efficacité de ces procédés alternatifs de désinfection visant des parasites réputés très résistants.

Des nématodes réglementés
Globodera pallida, Globodera rostochiensis comme Meloidogyne chitwoodi et Meloidogyne fallax sont des parasites de quarantaine : la lutte contre leur dissémination est obligatoire et ils font l’objet d’un plan de surveillance national. Il est par ailleurs impératif de prouver qu’un végétal est indemne de ces nématodes pour l’importation et l’exportation. L’unité de Nématologie du Laboratoire de la santé des végétaux de l’Anses est le laboratoire de référence pour la France et l’Union Européenne pour les nématodes phytoparasites. Elle est à ce titre garant de la fiabilité des analyses effectuées pour les détecter.