Des recherches pour connaître l’impact du glyphosate sur les truites
À partir d'expérimentations menées sur plusieurs générations de poissons, une équipe de l'Anses a exploré les effets du glyphosate et d'herbicides à base de glyphosate sur la santé de la truite arc-en-ciel. Ces recherches ont montré que le glyphosate, pur ou intégré dans des herbicides, avait des effets pouvant se répercuter sur plusieurs générations de cette espèce.
L’unité « Virologie, immunologie et écotoxicologie des poissons » (VIMEP) du laboratoire de Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses a réalisé plusieurs expérimentations sur les truites arc-en-ciel pour évaluer l’effet sur leur santé du glyphosate pur et de deux herbicides commerciaux en contenant.
L’étude a été réalisée dans le cadre du projet GlyphoTAC, qui a fait l’objet d’une thèse d’université soutenue par Jessy Le Du-Carré. Ce travail a été financé par la région Bretagne, le conseil départemental des Côtes d’Armor et la communauté d’agglomération de Saint-Brieuc. Peu d’études de ce type, menées sur plusieurs générations d’animaux aquatiques, ont été réalisées à ce jour, du fait de leur complexité de mise en œuvre.
« Nous avons étudié l’exposition de truites arc-en-ciel sur plusieurs générations : l’effet sur les poissons directement exposés mais aussi sur les deux générations suivantes, elles-mêmes exposées ou non, explique Morgane Danion, scientifique au sein de l’unité et co-encadrante de la thèse. La truite est un bon modèle pour les études en écotoxicologie car on connaît bien son fonctionnement biologique et elle est sensible à la qualité de son environnement. »
Des effets variés pouvant affecter l’état de santé ou la survie des poissons
Les expositions ont été réalisées sur un temps long, à des concentrations comparables à celles mesurées en milieu naturel. Il n’a pas été observé d’augmentation de la mortalité directement due à l’exposition au principe actif (glyphosate) ou aux deux produits testés en contenant, ni d’effet négatif sur la reproduction. En revanche, le comportement et plusieurs paramètres biologiques des poissons exposés ont été modifiés.
Il a notamment été mis en évidence une réduction des capacités de réaction à des changements de luminosité chez les larves issues de parents et/ou de grands-parents exposés au glyphosate pur ou aux herbicides. Ceci pourrait se traduire dans la nature par une réactivité moins importante pour échapper aux prédateurs.
Une autre expérimentation a montré une diminution de la diversité des micro-organismes présents sur les branchies des poissons suite à l’exposition au glyphosate pur et aux herbicides. Or il s’agit d’un organe clé pour les échanges avec le milieu extérieur et le maintien des animaux en bon état de santé.
Des conséquences sur la descendance des poissons exposés et des effets qui diffèrent entre le glyphosate pur et les herbicides
Ces recherches montrent par ailleurs que les effets les plus importants ne surviennent pas chez la première génération de poissons exposés, mais majoritairement chez les poissons descendants de parents et/ou de grands-parents exposés. De plus, des différences d’effets entre la substance active seule et les produits commerciaux, plus complexes, sont observées. Selon les conditions des différentes expérimentations réalisées, on constate que la formulation du produit augmente ou réduit l’effet du glyphosate, voire provoque un effet non observé chez les truites exposées à la substance active pure.
Par exemple, si aucune modification de survie à une infection virale expérimentale n’a été observée chez la première génération de poissons, la mortalité due à l’infection virale chez les truites dont les parents ont été exposés aux herbicides a été modifiée, à la hausse ou à la baisse suivant le produit testé, par rapport au groupe témoin. Elle n’a en revanche pas été affectée chez les poissons exposés au glyphosate pur ni chez leurs descendants.
Des impacts ont également été observés sur l’expression d‘enzymes impliquées dans le métabolisme énergétique, la quantité et/ou l’efficacité de certaines cellules immunitaires ou encore des perturbations du développement (malformations), notamment chez les stades larvaires.
Des interrogations sur les mécanismes à l’origine de ces effets
Des études supplémentaires sont nécessaires pour tenter de comprendre les mécanismes à l’origine de ces observations, et notamment comment l’effet de la toxicité se transmet d’une génération à l’autre. « Les deux produits commerciaux testés ont été retirés du marché en 2018 et 2019. Cette décision est indépendante des résultats de nos études. On peut néanmoins imaginer qu’il pourrait y avoir des effets comparables pour d’autres produits à base de glyphosate ou d’autres substances actives encore sur le marché. Il nous semble particulièrement pertinent de continuer à travailler sur des expositions longues à des doses environnementales, en menant des études sur plusieurs générations », conclut Thierry Morin, chef de l’unité VIMEP.
Une meilleure connaissance des mécanismes toxicologiques à l’origine de ces observations permettrait d’envisager la prise en compte de ces effets dans l’évaluation des substances actives ou des produits, préalablement à leur autorisation.