Glyphosate, le point sur les actions de l'Anses
Le glyphosate est une substance active herbicide à large spectre d'action sur les végétaux, utilisée en zones agricoles, forestières et non agricoles. Son approbation dans l’Union européenne a été renouvelée fin 2023. Outre l’évaluation des dossiers déposés par les industriels qui souhaitent renouveler les autorisations de mise sur le marché de produits à base de glyphosate, l’Anses évalue, dans le cadre de ses missions d’expertise scientifique et de phytopharmacovigilance, les risques de cette famille d’herbicides.
Pour commercialiser un produit phytopharmaceutique, la ou les substances actives qu’il contient doivent avoir été approuvées au niveau européen. Une substance est approuvée pour une durée déterminée. Sa réévaluation tient compte des évolutions des connaissances scientifiques et de la législation. Les produits commerciaux sont ensuite soumis à une demande d’autorisation avant leur mise sur le marché dans chaque État membre. Chaque produit phytopharmaceutique fait l’objet d’une évaluation scientifique au niveau zonal (trois zones d’évaluation des produits sont définies dans l’Union européenne par le règlement (CE) n° 1107/2009) selon les critères fixés par la législation européenne.
Qu'est-ce que le glyphosate
Le glyphosate est une substance active présente dans différents produits herbicides. Il est utilisé pour éliminer les plantes indésirables. Il s’applique par pulvérisation et est efficace sur tous les types de végétaux. Ses possibilités d’utilisation sont très larges : désherbage des vignes et des vergers, élimination des végétaux ou des intercultures avant de semer des cultures annuelles de type blé ou colza, désherbage des voies ferrées et des sites industriels…
Le glyphosate en dates
- Juin 2016: retrait du marché des produits à base glyphosate contenant le co-formulant POE-tallowamine en France.
- Décembre 2017: la substance active glyphosate est ré-approuvée par l’Union européenne pour une durée de 5 ans. Le règlement européen exige que des données supplémentaires soient fournies lors de l’évaluation des produits contenant du glyphosate, notamment sur les propriétés génotoxiques des produits contenant du glyphosate.
- Juin 2018: mise en place du plan d’action pour la sortie du glyphosate en France.
- Décembre 2018: retrait du marché des produits pour lesquels les firmes n’ont pas fait de demande de renouvellement de leurs autorisations de mise sur le marché.
- Décembre 2019: retrait du marché des produits pour lesquels un manque de données ne permet pas de finaliser l’évaluation du potentiel génotoxique du produit.
- 1er septembre 2020: retrait du marché des produits à base de glyphosate de la gamme amateurs, dans le cadre de l’interdiction en France (à l’exception des produits de biocontrôle, à faible risque ou autorisés en production biologique) d’utilisation et de détention de tous produits phytopharmaceutiques pour les usages non professionnels (mise en œuvre de la loi Labbé de 2017).
- Octobre 2020: publication de l’évaluation comparative des alternatives non chimiques au glyphosate qui a conduit à la modification des conditions d’emploi des produits mis sur le marché et à l’intégration de ces conditions d’emploi lors de toute nouvelle autorisation de mise sur le marché de produit à base de glyphosate. L’utilisation du glyphosate est interdite dans les situations où il peut être substitué par une solution non chimique.
- Mai 2022: l’ECHA confirme la classification des dangers du glyphosate selon laquelle la substance engendre de graves lésions oculaires et est toxique pour la vie aquatique. Sur la base des preuves scientifiques disponibles, le comité d'évaluation des risques de l'ECHA conclut que la classification du glyphosate en tant que substance cancérogène, mutagène ou reprotoxique n'est pas justifiée.
- Décembre 2022: la Commission européenne proroge d'un an l'autorisation d’utilisation du glyphosate, jusqu'au 15 décembre 2023, pour permettre à l'EFSA de finaliser le rapport d’évaluation du renouvellement avec ses pairs des États membres de l’Union.
- Novembre 2023: la Commission européenne réapprouve la substance active glyphosate pour une durée de dix ans à compter du 16/12/23. Elle intègre plusieurs conditions et restrictions d’utilisation. Notamment, une attention particulière doit être accordée, lors de l'évaluation des risques, à la protection des petits mammifères herbivores, tels que les campagnols, et des végétaux non cibles, tels que les fleurs sauvages. De plus des mesures d'atténuation des risques doivent être établies pour garantir la protection des organismes non cibles et de l'environnement.
L'Anses et le glyphosate
Délivrance des autorisations de mise sur le marché
Après l’approbation d’une substance active dans l’Union européenne, les produits qui en contiennent peuvent être commercialisés, à condition d’obtenir une autorisation de mise sur le marché. Comme pour les autres produits phytopharmaceutiques, l’Anses évalue les risques et l’efficacité des produits et délivre les autorisations de mise sur le marché en France en respectant la législation européenne (règlement (CE) n°1107/2009), qui fixe des critères d’évaluation et de décision et en s’appuyant sur des méthodologies scientifiques reconnues.
Contribution au renouvellement de l’approbation de la substance active glyphosate au niveau européen (2019-2023)
Le 10 mai 2019, par la voie d’un règlement de l’Union européenne, quatre États membres (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) ont été désignés rapporteurs dans le cadre d’un groupe d'évaluation (AGG, assessment group on glyphosate). L’AGG a procédé à l'évaluation scientifique du dossier soumis pour le renouvellement de l'approbation du glyphosate. Son projet de rapport d'évaluation de renouvellement (dRAR, draft renewal assessment report) sur le renouvellement du glyphosate a été soumis à l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) le 15 juin 2021. Des scientifiques de l’Anses ont contribué à ce projet de rapport. Simultanément, l'AGG a envoyé le rapport sur la classification et l'étiquetage harmonisés du glyphosate à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Comme pour toutes les évaluations de substances actives, une phase de consultation publique et une revue du projet de rapport par les pairs, à savoir les membres compétents pour l’évaluation scientifique dans chacun des États membres de l’Union, a été organisée par l’EFSA et l’ECHA à partir de septembre 2021.
Évaluation comparative des alternatives non chimiques
Dans le cadre du plan de sortie du glyphosate engagé par le Gouvernement français en 2019, l’Anses a publié en 2020 une évaluation comparative des alternatives non chimiques au glyphosate. Sur base de travaux d’INRAE, elle a ainsi déterminé les situations pour lesquelles le glyphosate peut être substitué par une solution non chimique (principalement le désherbage mécanique), à condition que celle-ci soit couramment utilisée et qui ne pose pas de problème de mise en œuvre, comme le prévoit la législation. Les autorisations de mise sur le marché actuellement en vigueur concernent les usages pour lesquels la substitution n’a pas été possible.
Publication de données issues du dispositif de phytopharmacovigilance
Afin de surveiller les éventuels effets indésirables des produits phytopharmaceutiques, l’Agence collecte un ensemble de données relatives aux résidus de substances dans les produits agricoles traités, aux impacts sur la santé humaine ou animale et sur les écosystèmes. Elle a publié en mars 2024 une synthèse actualisée des données de surveillance relatives à la présence du glyphosate et de son principal métabolite, l’acide aminométhylphosphonique (AMPA, qui peut également provenir d’autres produits comme des détergents), dans différents milieux (eau, sol, alimentation, air, poussières, …) et les niveaux d’imprégnation chez l’humain.
Des recherches pour connaître l’impact du glyphosate sur les truites
À partir d'expérimentations menées sur plusieurs générations de poissons, une équipe de l'Anses a exploré les effets du glyphosate et d'herbicides à base de glyphosate sur la santé de la truite arc-en-ciel. Ces recherches ont montré que le glyphosate, pur ou intégré dans des herbicides, avait des effets immunitaires pouvant se répercuter sur plusieurs générations de cette espèce. L’Agence a soumis des publications scientifiques relatives à ces travaux lors de la phase de consultation publique sur le dossier d’évaluation en vue d’une éventuelle réapprobation de la substance active glyphosate en 2021.
Travaux de l'Anses 2016-2019 sur la cancérogénicité du glyphosate
Suite aux avis divergents sur les dangers du glyphosate pour la santé humaine, l’Anses avait été saisie en 2015 afin d’évaluer les conclusions du CIRC et du BfR pour ce qui concerne les propriétés cancérogènes de la substance. Elle a conclu en février 2016 que le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’animal et l’homme était limité et ne permettait pas de proposer un classement du glyphosate en tant que cancérogène avéré ou présumé pour l'être humain.
Suite à ce premier travail, l’Anses s’était auto-saisie d’un second volet d’expertise pour approfondir des questionnements relatifs à la génotoxicité des produits formulés à base de glyphosate. Compte tenu d’autres initiatives scientifiques en rapport avec la même préoccupation, cette seconde expertise n’a pas été menée à son terme. De plus, des actions ont été conduites pour répondre à cette préoccupation : les produits avec le co-formulant POE-tallowamine ont tous été retirés du marché, une liste de co-formulants interdits a été fixée dans la législation et l’Anses a demandé systématiquement des tests de génotoxicité pour toutes les demandes d’AMM de produits contenant du glyphosate à l’issue de l’évaluation de produits suite à la réapprobation du glyphosate en 2017. Du fait de questions posées par plusieurs observateurs sur le devenir de son expertise non finalisée, l’Anses a fait le choix de rendre public le document de travail le plus récent, accompagné d’une notice explicative. Il s’agit d’une initiative relevant du souci de transparence de l’Agence.
Par ailleurs, afin d’améliorer les connaissances sur la cancérogénicité du glyphosate, l’Anses avait lancé en 2019 un appel à candidatures pour étudier le potentiel cancérogène du glyphosate et disposer de résultats pour la réévaluation de la substance active en 2022. Suite au retrait des candidats retenus, les études répondant au cahier des charges de l’Agence n’ont pas pu être engagées.
Le saviez-vous ?
Le glyphosate est une substance active et non un produit
Le glyphosate est une molécule ayant un effet herbicide sur l’ensemble des plantes. Cette substance herbicide, dite non sélective, entre dans la composition de plusieurs produits phytopharmaceutiques commercialisés par différents industriels. Un produit peut contenir plusieurs substances actives. Parmi les herbicides, la famille des produits contenant du glyphosate est la plus utilisée dans le monde.
Les quantités de glyphosate utilisées en France diminuent. La restriction des conditions d’emploi pourrait expliquer partiellement ce constat.
Alors qu’il y avait plus de 200 produits sur le marché fin 2018 en France, ils ne sont plus qu’une vingtaine début 2023. Pour autant, quand un produit est retiré du marché on observe des reports des utilisateurs vers les produits restants utilisables, y compris à base de glyphosate : un autre produit à base de glyphosate peut être utilisé, s’il est toujours sur le marché et destiné au même usage. Les retraits de produits permettent de recentrer l’offre de produits sur ceux qui apportent le plus de garanties de sécurité envers la santé et l’environnement.
Les autorisations de mise sur le marché se font produit par produit, avec des conditions d’utilisation fixées pour chacun des usages
Un fabricant souhaitant commercialiser un produit à base de glyphosate doit soumettre une demande d’autorisation de mise sur le marché dans le pays dans lequel il souhaite le vendre. Les autorisations délivrées sont spécifiques au produit, pour des usages et des quantités utilisées par hectare dûment définis.
L’évaluation des produits se fait par zone géographique
Les évaluations menées sur un produit sont mutualisées dans plusieurs pays de l’Union européenne. Ainsi, la France fait partie de la zone sud : un fabricant peut aussi bien déposer sa demande d’évaluation auprès de la France, de l’Italie ou de l’Espagne, notamment. L’autorisation de mise sur le marché est ensuite délivrée à l’échelle nationale par chaque pays de cette zone, sur la base de l’évaluation commune réalisée par l’un des États membres.