PFAS : des substances chimiques très persistantes
Les per- et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, sont des substances chimiques dont les propriétés spécifiques sont mises à profit dans de nombreux produits de la vie courante. Extrêmement persistants, les PFAS se retrouvent dans tous les compartiments de l’environnement et peuvent exposer les populations à travers l’air, les aliments et l’eau de consommation, ou encore l’utilisation de différents produits et objets du quotidien. Le point sur la réglementation et les enjeux sanitaires et environnementaux posés par cette famille de substance.
Que sont les PFAS ?
Les substances per- et polyfluoroalkylées, ou PFAS, représentent une vaste famille de plusieurs milliers de composés chimiques. Antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs, ces substances sont largement utilisées depuis les années 1950 dans diverses applications industrielles et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, gaz réfrigérants, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, dispositifs médicaux, produits phytopharmaceutiques, etc.
Les très nombreux PFAS ont comme point commun d’être persistants dans l’environnement en raison de la solidité des liaisons carbone-fluor qu’ils contiennent. Ainsi, le PFOS (sulfonate de perfluorooctane) et le PFOA (acide perfluorooctanoïque), dont les usages ont été très fortement restreints au niveau international, respectivement depuis 2009 et 2020, sont encore fréquemment mesurés dans l’environnement.
Par ailleurs, leur dégradation dans l’environnement peut conduire à générer des substances qui, bien qu’ayant des chaînes carbonées plus courtes, suscitent les mêmes préoccupations.
Où trouve-t-on des PFAS dans l’environnement ?
L’utilisation large et variée de ces composés chimiques, combinée à leur caractère très persistant, entraîne une pollution de tous les milieux : l’eau, l’air, les sols ou encore les sédiments. Certains s’accumulent dans les organismes vivants, plantes et animaux, et se retrouvent dans la chaîne alimentaire. D’autres, plus mobiles, sont transportés sur de très longues distances par l’eau ou l’air et peuvent se retrouver jusque dans les océans, y compris sur de longues distances.
Quelles sont les sources d’exposition aux PFAS ?
Ces propriétés de persistance, de mobilité et d’accumulation dans les organismes vivants aboutissent, au fil des années, à une exposition croissante de la population humaine aux PFAS.
Selon l’EFSA (2020), les produits de la mer, les œufs et les viandes sont les aliments contribuant le plus à l’exposition au PFOS et au PFOA. L’eau destinée à la consommation humaine (EDCH) peut également être une source d’exposition, tout comme l’air l’intérieur et extérieur, les poussières et les sols contaminés. L'exposition professionnelle aux PFAS peut se produire dans plusieurs secteurs industriels, y compris l'industrie chimique, le traitement de textiles, la fabrication de produits électroniques et l’utilisation dans la lutte contre les incendies. Les niveaux d’imprégnation les plus élevés sont relevés chez les travailleurs de sites de fabrication de PFAS (ECHA, 2023).
Pourquoi ces composés sont-ils préoccupants pour notre santé ?
Les travaux scientifiques sur certains PFAS connus montrent qu’ils peuvent avoir des effets délétères pour l’être humain : augmentation du taux de cholestérol, cancers, effets sur la fertilité et le développement du fœtus, sur le foie, sur les reins, etc. Ils sont également suspectés d’interférer avec le système endocrinien (thyroïde) et immunitaire. En décembre 2023, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a classé le PFOA comme « cancérogène pour l’Homme » (Groupe 1) et le PFOS comme « peut-être cancérogène pour l’Homme » (Groupe 2B).
Face à cette famille de substances très large et particulièrement persistante dans l’environnement, la difficulté est d’identifier ou de distinguer celles qui présentent des caractéristiques de danger les plus préoccupantes. Cela appelle à accélérer les recherches sur les substances, en particulier pour celles qui sont les plus fréquemment retrouvées dans l’environnement, et à développer des approches innovantes pour caractériser leur toxicité
Comment les PFAS sont-ils réglementés ?
Au niveau international
La convention de Stockholm (2001), accord international visant à encadrer certains polluants organiques persistants, réglemente plusieurs composés de la famille des PFAS au niveau mondial. La production et l’utilisation du PFOS sont restreintes depuis 2009 à une liste d’usages spécifiques qui peuvent être acceptés (photo-imagerie, certains revêtements photorésistants et antireflet, agent de gravure pour semi-conducteurs composés et céramiques filtres, fluides hydrauliques pour l'aviation, placage métallique dans les systèmes en boucle fermée, certains dispositifs médicaux, mousse anti-incendie, certains appâts à insectes). Le PFOA est interdit à l’import, l’export, à la production et à l’utilisation, sauf exemptions particulières, depuis 2020. L’inclusion prochaine dans la Convention de la famille de l'acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), ainsi que ses sels et composés apparentés, est envisagée.
Au niveau européen
En Europe, plusieurs actions sont en cours pour étendre la convention de Stockholm à d’autres substances de la famille des perfluorés. Les initiatives européennes sur le sujet ont été mises en avant en 2020, en cohérence avec la stratégie de l'Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques.
Via le règlement REACH 1907/2006
La Stratégie mentionne spécifiquement les PFAS comme étant d’intérêt prioritaire pour la gestion des risques. Dans ce contexte, une restriction globale des PFAS portée par cinq États membres - Suède, Norvège, Danemark, Pays-Bas et Allemagne - a été soumise en janvier 2023 et est en cours d’examen par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Elle propose l’interdiction en Europe de la fabrication et la mise sur le marché de substances, mélanges et articles contenant des PFAS sur la base de leur caractère persistant. Des dérogations, pour la plupart limitées dans le temps, sont proposées pour certains usages en fonction de la disponibilité d’alternatives applicables.
Cette restriction complète la proposition soumise en janvier 2022 par l’ECHA concernant plus spécifiquement l’interdiction des PFAS dans les mousses anti-incendie. La procédure est en cours au niveau européen.
Réglementation dans les eaux de consommation
Le suivi des PFAS dans les eaux de boisson a été introduit par la directive européenne 2020/2184 du 16 décembre 2020 relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (EDCH). Ainsi, à ce jour, une limite de qualité de 0,10 µg/L a été fixée pour la somme de 20 PFAS dans les EDCH. Un autre paramètre, intitulé « PFAS (total) », est également introduit avec une limite de qualité associée de 0,50 µg/L : il vise à intégrer l’ensemble des PFAS mesurables dans l’eau.
Cette directive a été transposée en droit français en janvier 2023. L’arrêté du 11 janvier 2007 modifié intègre la limite de qualité de 0,1 µg/L pour les 20 PFAS et la recherche systématique des PFAS sera intégrée au contrôle sanitaire des EDCH par les Agences régionales de santé à partir du 1er janvier 2026. Toutefois, depuis le 1er janvier 2023, toute situation de dépassement de la nouvelle limite de qualité mise en évidence doit être prise en compte.
Par ailleurs, le PFOS et ses dérivés figurent dans la liste des substances prioritaires de la directive cadre sur l'eau. Ils sont donc intégrés dans la surveillance et le contrôle des masses d’eau à l’échelle de l’Union européenne pour améliorer la qualité des eaux de surface et souterraines, tant au regard de l’état chimique que de l’état écologique. À l’échelle nationale, c’est l’arrêté du 25 janvier 2010 modifié qui établit le programme de surveillance de l’état des eaux en application de l’article R. 212-22 du code de l’environnement. Cet arrêté, modifié en 2022, intègre pour les eaux souterraines les 20 PFAS listés par la directive 2020/2184 du 16 décembre 2020 susmentionnée, et le PFOS pour les eaux de surface.
Réglementation dans les aliments
Depuis le 1er janvier 2023, quatre PFAS sont réglementés dans certaines denrées alimentaires d’origine animale (poissons, mollusques, crustacés, œufs, viande et abats d’animaux de boucherie, de volailles et de gibier) dans le cadre de la mise sur le marché de ces denrées (règlement (UE) 2023/915) : en cas de non-conformité, les produits ne peuvent être proposés à la vente. En revanche, il n’existe pas de valeurs limites pour les denrées autoproduites par des particuliers.
De plus, la Commission européenne a émis des recommandations ((UE) 2022/1431 et (UE) 2022/1428) pour que les États membres surveillent la teneur en plusieurs PFAS dans les denrées alimentaires au cours des années 2022 à 2025.
Quels sont les travaux menés par l’Agence sur ces composés ?
L’Agence s’intéresse depuis de nombreuses années à la problématique des PFAS. Elle a déjà mené d’importants travaux visant à :
- mieux comprendre les usages, les sources d’exposition et la toxicité de ces composés ;
- élaborer des valeurs toxicologiques de référence pour certaines substances ;
- évaluer le risque associé au relargage de PFOA par les revêtements des ustensiles de cuisine antiadhésifs ;
- établir un état des lieux de la présence de PFAS dans les ressources en eaux et dans l'eau destinée à la consommation humaine.
Récemment, l'Agence a lancé une série de travaux dans le cadre d'une saisine d'ampleur demandée par ses cinq ministères de tutelles. L'objectif est de réaliser un bilan de la contamination des milieux, hiérarchiser les substances à surveiller et proposer des valeurs toxicologiques de référence pour les expositions à long terme par voie orale. Ce sujet constitue l’une des priorités de son programme de travail depuis 2023 et pour les années à venir. Pour cela, elle mobilise huit collectifs d’experts dont deux groupes de travail ad hoc.
Par ailleurs, les PFAS sont désormais intégrés aux grandes enquêtes menées par l'Anses, en particulier la campagne nationale de surveillance des polluants émergents dans les eaux de consommation et l’enquête sur l’alimentation totale (EAT 3).